Changer la vie

Théâtre-Concert


André Robillard/ Alexis Forestier

Changer la vie

Avec : Alexis Forestier et André Robillard Textes : Paul Celan, Bertolt Brecht, Paul Klee

Mise en scène, scénographie et musiques originales : Alexis Forestier Avec la contribution de Charlotte Ranson Conceptions sonores : Alexis Forestier, André Robillard et Antonin Rayon Arrangements musicaux: Antonin Rayon

Régie lumière : Emma Julliard/Maud Plantec/ Perrine Cado(en alternance) Régie son : Alexis Auffray

Durée : 1h15

« Les gens qui voient le spectacle voient bien qu'on a fait des tableaux, des fusils, des machins d'œuvres ils voient bien qu'il y a un artiste. S’il n'y a pas de machins d'œuvres ils ne voient pas que c'est un artiste, ils peuvent pas le deviner. Le théâtre si c'est de l'art c'est un peu différent ça n'a rien à voir. » André Robillard

A l’occasion de l’événement organisé par le LaM pour les 80 ans d’André Robillard, qui présente une partie des œuvres de la collection Tuer la misère, la compagnie les endimanchés a été accueillie du 10 au 26 octobre en résidence pour la création de Changer la vie. Trois ans après la création du spectacle Tuer la misère, André Robillard et Alexis Forestier poursuivent leurs aventures scéniques faites d'expérimentations musicales, vocales et brut(ales); en tirant les fils de ce qui leur était apparu, au cœur de leur complicité naissante, ils inventent cette fois une nouvelle forme, en duo, déployant un paysage multiple et resserré où se trament leurs dérives et leurs détournements langagiers, burlesques et athlétiques.


Co-production : compagnie les endimanchés et le LaM La compagnie les endimanchés est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la communication/ Drac Ile- de-France et subventionnée par le Conseil Général des Hauts-de-Seine.

Crédits Photos du spectacle @ Philip Bernard


Création le 27 octobre 2011

au LaM, musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille Métropole à Villeneuve d’Ascq.

Tournée : Le 15 juin 2012 aux Rencontres de St Alban ( Chapelle de St Alban en Limagnole) Du 3 au 5 juillet 2012 à La Ferme du Bonheur – Nanterre Les 21 et 23 mars 2013 à La Fonderie – Le Mans dans le cadre de Encore heureux Les 2 et 3 novembre 2013 au Musée des Beaux-Arts d’Orléans dans le cadre de l’exposition Les 19, 20, 24, 25 et 27 juillet 2014 à la Quincaillerie –les laumes (21) dans le cadre des « Quincailleries » Du 2 au 17 décembre 2014 au Théâtre Vidy-Lausanne Les 10 et 11 avril 2015 au Théâtre Dijon Bourgogne Le 23 septembre 2016 au Centre Culturel de Villefranche sur Saône


André Robillard

André Robillard, né en 1931, a passé sa vie dans le centre hospitalier Georges Daumezon à Fleury- Les-Aubrais en banlieue d'Orléans. Il y vit toujours, dans une maison indépendante, où depuis plus de quarante ans, il construit ses fusils faits de matériaux de récupération. Il appartient à la "constellation de l'art Brut", dont les œuvres ont très tôt intégré les collections rassemblées par Jean Dubuffet. Il figure parmi les derniers artistes vivants découverts par le peintre. Ses œuvres sont exposées à Lausanne au Musée de l'art Brut, mais sont également présentes dans les collections de l'Aracine et de l'abcd. Son quotidien et son espace de vie entretiennent un rapport deperméabilitéavecsescréations; toutautourdeluiestempilement,collectionsdemasqueset d'animaux en tous genres, de matériaux soigneusement conservés et de photos polaroïd constituant un espace imaginaire en équilibre instable, d'où émanent presque naturellement ses constructions et dessins d'animaux ou d'engins galactiques.

André Robillard est en outre un musicien autodidacte, il pratique l'accordéon, s'accompagne d'un plain-chant ou d'un râle, à la fois guttural et curieusement mélodieux, qui forme un contrepoint au maniement brutal de son instrument, il joue de l'harmonica amplifié avec un seau, de la caisse claire avec des cartouches de fusil,. Il se révèle également être un étonnant inventeur de langues et de dialectes.


De Tuer la misère à Changer la Vie

André Robillard et Alexis Forestier se sont rencontrés en 2007 à Fleury-les-Aubrais, présentés l'un à l'autre par Charlotte Ranson; une complicité, à la fois amicale et musicale s'est tissée entre eux au fil des visites et du temps partagé et a fait naître l’idée d’un projet commun. Le spectacle Tuer la misère est né de cette rencontre. *

L’immédiate évidence avec laquelle André Robillard rencontre l’autre et l’invite à entrer dans son paysage, la vigueur avec laquelle il convoque ses arrière-mondes et les transfigure par la parole, le chant ou ses productions plastiques, son attrait pour les formes scéniques théâtrales et musicales, l’inventivité qui le caractérise sont autant d’aspects qui ont ouvert les voies d’une mise en commun de matériaux, musicaux, textuels, plastiques et sonores. Un objet scénique, proche de la performance et de l'improvisation s'est ainsi échafaudé. Il est fait d’une succession de séquences inspirée à la fois de l’imaginaire d’André Robillard et de moments de vie partagés avec lui.

A l’invitation du LaM et à l’occasion de l’événement organisé pour les 80 ans d’André Robillard est né le projet Changer la vie. Trois ans après la création de Tuer la misère, André Robillard et Alexis Forestier poursuivent leurs aventures scéniques faites d'expérimentations musicales, vocales et brut(ales); en tirant les fils de ce qui leur était apparu, au cœur de leur complicité naissante, ils inventent cette fois une nouvelle forme, en duo, déployant un paysage multiple et resserré où se trament leurs dérives et leurs détournements langagiers, burlesques et athlétiques...

Le projet se joue avec André Robillard lui-même, dans une scénographie élaborée à partir de dessins, de fusils de sa fabrication et d’éléments lui appartenant. Le paysage scénique se déploie à la manière d’un collage de textes et de motifs musicaux ou sonores. Le matériau prend la forme de ce qui s’est inscrit dans le travail avec André, autour de sa présence, en l’ayant intégré à des explorations et expérimentations musicales ou en ayant accompagné ses propositions rythmiques et improvisations vocales.

* Une première version de Tuer la misère fût présentée à la Fonderie au Mans et au Théâtre de la bastille à Paris au printemps 2008. La création a eu lieu aux Subsistances à Lyon en janvier 2009, suivie de représentations à Dijon, dans le cadre d'Itinéraires singuliers, à Bordeaux au TNT/Manufacture de chaussures, au Théâtre l'échangeur de Bagnolet et au TNB à Rennes.


Les machins d'art

"Né le 27 octobre 1931 André Robillard est un phénomène de la nature. Artiste peintre de la collection de l'Art Brut de Lausanne. Mon père était garde chasse et a travaillé dans les fermes, à la Caillaidière et à la métairie jaune. Ma mère était garde-barrière en Seine et Marne à Moret-sur- Loing. J'ai rencontré Charlotte à Fleury-Les-Aubrais et elle est venue me chercher pour aller faire un tour à La Borde. J'ai fait des machins d'œuvres, artiste, j'ai entendu parler des spectacles mais je les connaissais pas. Je connaissais les collections de l'Art Brut, les machins d'art, mais le théâtre c'est un peu différent des machins d'artistes. Alexis et Charlotte sont venus me chercher chez moi pour aller faire le spectacle au Mans à la Fonderie il sont venus me chercher le 12 mars jusqu'au 29 mars on a travaillé quinze jours, le spectacle n'est pas fini. Le spectacle c'est pas un machin d'artiste, sans être artiste on peut faire du théâtre. Moi j'étais sur la scène, mais j'ai travaillé quand même, j'ai fait des fusils j'ai continué à faire des machins d'œuvre. Les machins d'artiste ça attire du monde, le spectacle ça attire du monde aussi même si c'est différent. Il y a deux choses différentes.

Les gens qui voient le spectacle voient bien qu'on a fait des tableaux, des fusils, des machins d'œuvres ils voient bien qu'il y a un artiste. Si il n'y a pas de machins d'œuvres ils ne voient pas que c'est un artiste, ils peuvent pas le deviner. Le théâtre si c'est de l'art c'est un peu différent ça n'a rien à voir. Même si on et musicien ce n'est pas de l'art ou alors on peut être artiste dans un machin musical. Le théâtre c'est un machin d'art différent, si on en parle aujourd'hui, ça a toujours été comme ça. Je me demande si l'opéra c'est pas aussi un machin d'art. Bah, c'est à dire qu'il y a de l'art partout. On pourrait même se demander si l'art c'est pas puissant. On peut penser à l'univers ça peut bien être de l'art aussi. L'art de l'Univers. C'est le machin d'artiste de l'art qui a fait disparaître la misère. Détruire la misère c'est pas rien. C'te sacrée misère, il faut l'arrêter avant qu'il soit trop tard. Et on peut même se détruire par nous même sans s'en rendre compte, il faut contre-attaquer pour détruire la misère."

André Robillard, 1er juin 2008


La blessure de l'histoire (Tuer la misère)

L'imaginaire d'André Robillard est empli de souvenirs de la guerre, les russes, les allemands, Hitler, l'aviation militaire, avec pour arrière plan la guerre froide; ces souvenirs ne s'additionnent pas pour former une conscience politique ou organiser une mémoire de la guerre; ils sont une accumulation d'éléments ou d'événements qui manifestent une persistance des traumatismes de l'histoire, une certaine forme d'irréconciliation à l'œuvre .

Cette fascination brute, directe, au-delà de tout jugement moral ou de toute préoccupation éthique nous met en présence des signes et des images obsédantes déposés par l'histoire. C'est cette blessure inaltérée par le temps qui se joue et que l'on tente de déjouer sur le plateau, la blessure de l'histoire, mais aussi la blessure de l'être pris dans notre histoire contemporaine, celle du siècle achevé, qui habite sous la forme de motifs récurrents l'imaginaire d'André.

La structure et la scénographie du projet se sont élaborées à partir de ces images qu'il fait apparaître, peuplées de référents, marquées notamment par la seconde guerre mondiale de même que par divers événements ayant trait à la conquête de l'espace. Robillard est également fasciné par les engins spatiaux, les premiers hommes qui ont marché sur la lune, le lancement des spoutniks soviétiques, la comète All-Bopp, les O.V.N.I et les martiens. Il évoque ses rêves qui fréquemment se déclinent sous la forme de voyages sur la planète Mars ou Jupiter ; il a pour habitude de rencontrer des martiens avec trois yeux, le nez décentré, parlant une langue étrange - langue qu'il aime à parler lui-même pour l'avoir apprise auprès d'eux.

Le spectacle s'organise ainsi à partir d'improvisations d'André- un discours en faux allemand, une conférence sur le lancement des spoutniks, une séquence durant laquelle il imite la langue des martiens; le bruissement de la guerre et le murmure des chants révolutionnaires sont là au commencement comme un arrière plan qui se révèle être avant tout un support de jeu et d'invention, de déconstruction par lequel l'enfance se confond avec l'imaginaire de la guerre.

André montre également un intérêt particulier pour les musique traditionnelles d'Auvergne, de Suisse Alémanique ou d'ailleurs - paysages musicaux familiers aux endimanchés primitifs. Il s'établit alors un dialogue incessant entre le monde d'André, territoire traversé par la culture populaire et les territoires poétiques et musicaux qui sont les nôtres, à la recherche d'une articulation juste, d'un point d'équilibre où puissent se rencontrer, voire se télescoper nos désirs et nos possibilités d'investissement mutuels. Nous avons suivi ces chemins et détours jusqu'à travers certains textes de Paul Celan:« Parle toi aussi fusses-tu le dernier à parler ». Dire encore qu’après la nuit traversée, la poésie, le verbe peuvent encore, non seulement avoir lieu, mais dessiner d'autres possibles. « Rester là tenir dans l’ombre de la cicatrice en l’air » Stehen, tenir par-delà l’être détruit, amoindri par l’expérience de l’histoire ayant altéré le paysage intime.

Le combat pour tenir, par-delà les bouleversements et les secousses de l'histoire, pour maintenir une part irréductible du vivant, pour Tenir dans la douleur, au coeur même d’une blessure intime, c’est aussi le combat d’André Robillard qui à travers son œuvre plastique mais aussi sa nécessité d’inventer, de créer des langues imaginaires s’est maintenu dans le mouvement de la vie.


Changer la vie et la collection Tuer la misère

Parallèlement au spectacle Changer la vie, la compagnie les endimanchés propose, pour les lieux disposant d’un espace d’exposition, une exposition de la collection Tuer la misère.

Les fusils de la collection Tuer la misère présentent cette double particularité qu'ils ont été construits parallèlement à la fabrication du spectacle Tuer la misère et hors de chez André Robillard, dans une sorte d'atelier mobile, au cœur ou dans l'immédiat prolongement du travail scénique, à La Fonderie au Mans en mars 2008, aux Subsistances à Lyon, en janvier 2009, au TNT-Manufacture de chaussures à Bordeaux en avril 2009, au T.N.B. à Rennes en Novembre 2009 et à Suresnes dans l’atelier d’Alexis Forestier où André Robillard a séjourné de nombreuses fois. Au moment de l’exposition André Robillard au Musée de la Création Franche à Bègles s’est posée la question de la conservation des fusils ; c’est à ce moment que nous avons décidé en commun accord avec André Robillard de constituer la collection Tuer la misère le temps que le spectacle continuerait à tourner. C’est ainsi que cet ensemble a pu être présenté par la suite, au Théâtre l’échangeur à Bagnolet puis au Théâtre national de Bretagne à Rennes et enfin dans le cadre du festival Art et Déchirure à Rouen en mai 2010 (première exposition de la collection indépendamment de la présence du spectacle). Aujourd’hui, nous sommes d’autant soucieux de la visibilité et de la mise en partage de cet ensemble d’œuvres, la diffusion du spectacle Changer la vie nous en semble l’occasion.

Dans le voisinage du spectacle et du travail théâtral, André a également réalisé de nombreux dessins sur papier puis sur contreplaqué (l’utilisation de ce matériau a donné lieu à de grands formats) Certains de ces dessins ont pris place dans la scénographie du spectacle Tuer la Misère composée et rythmée par les motifs d’André Robillard (Le renard dans la forêt d’Orléans, le paon indien, le V2 allemand, le B52...) de nombreux dessins de formats plus classiques (A3) ont été réalisés durant les différents séjours de même qu’une série très importante de formats carrés (21x21 cm) tous destinés à la composition du boîtier et du livret du disque.

En résidence à Lyon aux subsistances, A. Forestier a suggéré à A. Robillard de construire un spoutnik dans l’hypothèse d’intégrer une telle construction à la scénographie ; il a finalement proposé à Robillard un principe d’assemblage à partir d’une lessiveuse manuelle et de pupitres de musique renversés et/ou d’antennes diverses. Ce dispositif a été mis au point, agencé et réalisé communément et reproduit plusieurs fois selon les mêmes principes d’assemblage, donnant lieu à ce jour à 6 sputniks signés André Robillard et Alexis Forestier.